A propos de JIN-ROH
par Akatomy

Alors que la sortie de MONONOKE HIME est sans cesse repoussée depuis déjà plus d’un an, c’est avec surprise que l’on apprend la sortie dans nos salles de JIN-ROH, la dernière création de Mamoru Oshii. En effet, après l’échec des exploitations de GHOST IN THE SHELL et de PORCO ROSSO, et le succès très relatif de la sortie du pourtant excellent PERFECT BLUE le mois dernier, on comprend mal que le choix des distributeurs se soit porté sur un film aussi accessible aux néophytes que PATLABOR 2 : c’est à dire aussi hermétique qu’un imperméable en kevlar et, pour le moins, déroutant.

Première réalisation de Hiroyuki Okiura, JIN-ROH est le long métrage d’animation le plus ambitieux à avoir vu le jour depuis le dernier Miyazaki. Transposition moderne et pessimiste du petit chaperon rouge, LA BRIGADE DES LOUPS (titre français du film) prend place dans une réalité alternative post-Seconde Guerre Mondiale. Le Japon est alors le reflet du Berlin des années 50. Tout le monde roule en Volkswagen et l’ordre social est un but que le gouvernement en place ne parvient pas à atteindre. En marge de la police et de l’armée, la POSEM (POlice de SEcurite Métropolitaine) est une force armée comparable à nos CRS moderne. Au sein de la POSEM, les PANZER sont chargés du travail musclé, et leurs affrontements avec la SECTE, groupe terroriste suicidaire, mettent la ville à feu et à sang. Fusé est un PANZER qui, un soir de lutte, ne parvient pas à tirer sur une capuche rouge, une jeune fille chargée de faire transiter des bombes et des armes par les égouts de la ville. Elle fait exploser sa bombe, et, après un passage en cour martiale, Fusé est consigné dans l’Académie Militaire où il a fait ses classes. La mort de la jeune fille ne cesse de le hanter, et il noue une relation amicale avec la soeur de la défunte...

Sombre histoire de machinations et de trahisons, JIN-ROH déroute le spectateur de la même façon que PATLABOR 2 : habitué au mode de narration occidental, celui-ci se concentre sur un aspect de l’histoire qui n’en est pas le centre, et subit les rebondissements comme autant de sessions de colin-mayard. Admirablement construit et mis en scène, avec un soucis des détails qui va jusqu’à l’exactitude du bruitage de toutes les armes à feu utilisées, JIN-ROH est un constat glacial sur la nature de l’homme et sur la rigidité de la société japonaise. Film immobiliste sur l’inévitabilité, il surprend autant par sa maîtrise de la narration que par l’emploi qu’il fait de ses personnages, que l’on croit constamment à la rue alors qu’ils possèdent tous, et surtout le héros, plusieurs longueurs d’avances. Enfin, le parallèle morbide avec la version revisitée du petit chaperon rouge donne tout son sens à un film qui peut paraître incompréhensible et horrible à un spectateur occidental, mais qui possède la beauté froide de l’inexorable. Un chef-d’oeuvre à la béatitude trompeuse, porté par une partition musicale magnifique, qu’il faudra voir et revoir pour en saisir les innombrables qualités.